L'atelier de tissage


Soierie Vivante présente le dernier atelier familial de tissage représentatif de la dizaine de milliers d’ateliers familiaux de la Croix-Rousse

L’atelier municipal de tissage

Créé au 19ème siècle, l’atelier présente un grand intérêt historique car il est le dernier atelier familial de tissage de la Croix-Rousse.

Son architecture intérieure intacte est représentative de celle de la dizaine de milliers d’ateliers familiaux qui occupaient la Croix Rousse au 19ème siècle.

Les 65 m² de ce lieu de production et de vie comprennent à la fois un espace dédié à la vie de famille, avec une cuisine et une sous-pente (chambre à coucher en mezzanine, située au-dessus de la cuisine), et aussi l'atelier, avec ses métiers à tisser et une canetière électrique.

Soierie Vivante organise des démonstrations de tissage sur un métier à bras (manuel) du 19ème siècle et sur les métiers mécaniques (électriques), ayant fonctionné pour faire de la production jusqu’en 1990. Vous pourrez également découvrir l'espace dédié à la vie quotidienne des canuts.

Visites guidées toute l'année : du mardi au samedi, 15h et 17h, sans réservation, 12 bis rue Justin Godart 69004 Lyon


L'histoire de l'atelier de tissage mécanique

par Hélène Carleschi

Cette lecture retrace l'histoire de cet atelier à travers la vie et le travail de la famille Ressicaud-Fighiera, les anciens propriétaires.

Configuration traditionnelle 

de l'atelier familial

L'atelier, créé à la fin du 19ème siècle, est situé au 12bis de la montée Justin Godart à Lyon 4ème. Il a été occupé successivement par messieurs Rochard, puis Ressicaud (en 1926) et Fighiera jusqu'en 1980.

C'est à notre connaissance le seul témoin survivant des milliers d'ateliers aménagés dans le quartier. Celui-ci est de bonnes dimensions (10 x 7m), avec 5 grandes fenêtres, ce qui autorisait la mise en place de 4 métiers à tisser, mais aussi d'un lieu de vie aménagé à côté de ceux-ci.

En effet, dans un même petit espace se trouvent la cuisine, et au-dessus la fameuse soupente (ou suspente), qui dans un espace étroit, est délimitée par quelques poutres et quelques planches (environ 4 x 3m).

La cuisine est assez bien isolée des métiers et de leurs précieux tissus. C'est la pièce la plus fraîche du logis, aussi trouve-t-on parfois l'appellation de "souilarde" pour la désigner. Elle est pourvue d'un évier de pierre, et d'un fourneau (à charbon). Outre la préparation des repas, on y pratiquait des activités plus professionnelles, comme le traitement (à la vapeur) de certaines variétés de fils ou de tissus (comme le crêpe).

En haut était aménagée une petite chambre (appelée "soupente" ou "suspente" à Lyon, qui accueillait un lit et au moins une ou deux paillasses (matelas en paille posés à même le sol), qui en tenaient lieu, le tout ouvrant sur l'atelier.

L'acte de vente de 1924 précise que l'atelier proprement dit comporte des dépendances et usages, à savoir un grenier, sorte de petite chambre aménagée sous les toits (avec beaucoup d'autres, qui pouvaient accueillir compagnons et / ou apprentis), et une cave, utilisée en particulier pour loger le charbon destiné au chauffage. D'où un droit d'accès à l'escalier qui y conduit; on y trouve également la fosse d'aisances (WC) commune aux trois ateliers de l'étage.
Enfin, l'accès au puits commun, qui se trouve dans la cour des voisins.

Les éléments les plus remarquables sont par ailleurs la hauteur sous plafond (plus de 4 mètres 20) correspondant à celle des métiers, et sa robustesse, car il est renforcé de poutres de chêne distantes de moins de 20 centimètres. La surface des fenêtres, occupant la moitié des murs, est également impressionnante.

Il s'agit bien ici d'une architecture fonctionnelle d'une robustesse sans équivalent dans les débuts du 19ème siècle (si l'on excepte les belles demeures patriciennes de l'aristocratie ou de la grande bourgeoisie). On pourrait presque parler d'architecture industrielle.


Le matériel de tissage

L'atelier comporte trois métiers à tisser : deux d'entre eux sont relativement récents, datant des années 1950. Le troisième est un "bistanclac", métier à tisser à bras caractéristique du 19ème siècle.

Ces trois métiers ont été fabriqués à proximité et sont équipés de mécaniques conçues et fabriquées à la Croix-Rousse (Verdol, Staübli etJacquard), avec des montages "à la lyonnaise" :

  • le bistanclac, ou métier à bras, est un métier d'uni comportant une mécanique Jacquard de type 104. Il est classé monument historique.
  • le premier métier mécanique comporte un montage à la corde d'une chaîne de 9 600 fils de chaîne
  • le second métier mécanique est un métier d'uni en grande largeur avec une ratière servant à la lecture du dessin

L'atelier comporte aussi une canetière électrique intéressante...

Un ensemble unique sauvé par la Ville de Lyon !

Cet atelier est un témoin de l'époque des canuts du 19ème siècle. Monsieur ROCHARD, né dans la Loire en 1872, y a travaillé et vécu avec toute sa famille pendant de nombreuses années. Ses deux enfants y sont nés d'ailleurs en 1898 et 1906. Recherchant un local plus spacieux, c'est Claudius RESSICAUD qui en fera l'acquisition en 1926. Dès cet achat la famille RESSICAUD choisit de ne pas habiter dans l’atelier. Elle loue un appartement situé en étage, dans le même immeuble. Depuis cette date l’atelier sert uniquement à la production.

Leur fille Renée, entrée dans le métier à l'âge de 14 ans, épouse Georges FIGHIERA en 1947. Ce dernier rejoint sa belle famille dans l’exploitation de l’atelier. La famille livre une production de tissus façonnés de qualité : «haute nouveauté», tissus pour robe, tissus double face, tissus «lamé or et argent», crêpe de chine (soie naturelle), tissus pour la cour d’Angleterre…

Mais l'atelier a bien failli disparaître. Après le décès de Mr FIGHIERA en 1983, les tentatives de relance de la part de Messieurs WALDER, DELAFOSSE, et JACQUET n’ont pas été concluantes. Il est alors envisagé de vendre les métiers à tisser « au poids ».

Consciente qu’il s’agit là du dernier atelier de canuts, Michèle GIRAUD, fille de Georges et Renée FIGHIERA, décide de tout faire pour sauver cet atelier typique et authentique. Après maints contacts infructueux, c’est sa rencontre avec l’association Soierie Vivante qui va permettre à l’atelier de continuer à vivre. En 2001, Soierie Vivante assure sa préservation en louant le local à Madame FIGHIERA, et en l’ouvrant au public avec des visites commentées.

En 2013, Soierie Vivante a œuvré à la pérennisation de la sauvegarde de l’atelier de tissage, en proposant son achat à la Ville de Lyon. En effet, Madame FIGHIERA souhaitait s'assurer de la survie de cet atelier de façon durable. La Ville de Lyon, après avoir acheté l’atelier de tissage sous l'impulsion de Soierie Vivante, l’a fait mettre aux normes de sécurité, et a fait confiance à Soierie Vivante pour continuer à le présenter au public.